La biosécurité dans le monde - Contexte historique

La définition d’un MGM/OGM dans les législations européennes

Une des dispositions clés des directives est la définition d’un "organisme génétiquement modifié" (OGM), qui est libellée comme suit : "Un organisme dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle" (article 2 de la directive 90/220/CEE). La directive 90/219/CEE fournit une définition similaire pour le terme "micro-organisme génétiquement modifié".

La manière selon laquelle le matériel génétique doit être modifié pour aboutir à un MGM/OGM est précisée en annexe des directives via trois listes de techniques. À travers cette approche, l’Union européenne choisit donc de réglementer spécifiquement l’utilisation de certaines techniques de modification génétique. On y trouve bien sûr les techniques de l’ADN recombinant, mais aussi d’autres techniques (injection, encapsulage, fusion cellulaire) dont on a considéré à l'époque qu’elles conduisaient à une modification "non naturelle" du matériel génétique de la cellule hôte.

À l’inverse, l’Union européenne choisit de ne pas réglementer l’utilisation d’autres techniques. Ces dernières techniques émargent à deux catégories :
- d’une part, des techniques considérées comme ne donnant pas lieu à une modification génétique au sens des directives (les organismes résultant ne sont donc pas considérés comme MGM/OGM). On y trouve des processus naturels de transfert de matériel génétique tels que la conjugaison, la transduction, ou la transformation ;
- d’autre part, des techniques donnant lieu à des MGM/OGM mais qui sont soustraites de l’application de la directive. On y trouve des techniques de modification génétique qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont on a considéré à l’époque qu’elles avaient un historique d’utilisation suffisant pour considérer les organismes résultants sans risques avérés pour la santé publique ou l'environnement. Par exemple, les MGM et OGM obtenus par mutagenèse suite à l’exposition aux radiations ionisantes ou à des agents chimiques mutagènes ne sont pas couverts par les directives et ne font donc pas l’objet d’une évaluation des risques au titre de celles-ci.
 

Les techniques de modifications génétiques

Les directives 90/219/CEE et 90/220/CEE distinguent 3 catégories de techniques en relation avec la définition de MGM/OGM.

(1) Techniques de modification génétique donnant des OGM/MGM couverts par les directives (liste non exhaustive):
- les techniques de recombinaison de l'acide désoxyribonucléique (ADN) utilisant des systèmes vectoriels (ce libellé sera précisé lors de la révision des directives à la fin des années 1990, les techniques de recombinaison de l'acide nucléique étant définies comme impliquant la formation de nouvelles combinaisons de matériel génétique grâce à l'insertion de molécules d'acide nucléique produites par quelque moyen que ce soit en dehors d'un organisme, dans un virus, dans un plasmide bactérien ou dans tout autre système vecteur, ainsi qu'à leur incorporation dans un organisme hôte dans lequel elles ne sont pas présentes à l'état naturel mais dans lequel elles sont capables de continuer à se reproduire);
- les techniques impliquant l'incorporation directe dans un organisme de matériaux héréditaires préparés à l'extérieur de l'organisme, y compris la micro-injection, la macro-injection et le micro-encapsulage;
- les techniques de fusion (y compris la fusion du protoplaste) ou d'hybridation dans lesquelles des cellules vivantes présentant de nouvelles combinaisons de matériaux génétiques héréditaires sont constituées par la fusion de deux cellules ou davantage au moyen de méthodes qui ne sont pas mises en oeuvre de façon naturelle.

(2) Techniques qui ne sont pas considérées comme entraînant une modification génétique, à condition qu'elles n'impliquent pas l'emploi de molécules d'ADN recombinées ou d'OGM:
- la fécondation in vitro;
- la conjugaison, la transduction, la transformation ou tout autre processus naturel;
- l'induction polyploïde.

(3) Techniques de modification génétique à exclure du champ d'application des directives, à condition qu'elles n'impliquent pas l'emploi d'OGM comme organismes récepteurs ou parentaux:
- la mutagénèse;
- la fusion cellulaire (y compris la fusion du protoplaste) de cellules de végétaux où les organismes résultants peuvent être produits aussi par des méthodes de multiplication traditionnelles.
Dans la directive 90/219/CEE uniquement, les deux techniques suivantes sont également exclues :
- la formation et l'utilisation d'hybridomes animales somatiques (par exemple pour la production d'anticorps monoclonaux);
- l'autoclonage de micro-organismes non pathogènes survenant de façon naturelle et répondant aux critères du groupe I pour les micro-organismes récepteurs (le terme "autoclonage" sera précisé lors de la révision de la directive 90/219/CEE en 1998, comme consistant en la suppression de séquences de l'acide nucléique dans une cellule d'un organisme, suivie ou non de la réinsertion de tout ou partie de cet acide nucléique (ou d'un équivalent synthétique), avec ou sans étapes mécaniques ou enzymatiques préalables, dans des cellules de la même espèce ou dans des cellules d'espèces étroitement liées du point de vue phylogénétique qui peuvent échanger du matériel génétique par le biais de processus physiologiques naturels, si le micro-organisme qui en résulte ne risque pas de causer des maladies pouvant affecter l'homme, les animaux ou les végétaux).


Comme on peut le constater, la définition d’OGM/MGM dans les directives européennes (et donc le champ d’application de ces directives) repose sur le processus d’obtention des organismes, mettant ainsi en avant les méthodes (techniques de modification génétique) employées pour obtenir l’OGM/MGM et non pas le produit final. À pareille époque, d’autres pays comme le Canada ou les États-Unis opteront pour des approches différentes, les caractéristiques de l’organisme (le produit) ou de son utilisation étant l’élément déterminant pour justifier une évaluation des risques, et ceci indépendamment de la technique employée pour développer l’organisme.

La définition d’OGM/MGM établie en 1990 au niveau européen est toujours d’actualité 20 ans plus tard. Toutefois, cette définition et la liste des techniques qui lui sont associées continuent de faire l’objet d’intenses discussions au niveau européeen.