Les essais en champs de plantes génétiquement modifiées débutent en Belgique dès 1986. La Belgique est le deuxième pays d’Europe continentale, après la France, à accueillir des cultures d’OGM sur son sol. En Belgique, comme d’ailleurs dans d’autres pays, les plantes génétiquement modifiées sont alors considérées par les autorités comme de nouvelles variétés végétales potentielles. La transgénèse est perçue comme une innovation parmi d’autres permettant la sélection plus rapide de nouvelles variétés. Les essais de ces plantes dans l’environnement sont donc traités au même titre que des essais de variétés non transgéniques. En conséquence, le Ministère de l’Agriculture accorde d’abord les autorisations d’essais en champs de plantes génétiquement modifiées en se basant sur des arrêtés royaux relatifs aux semences.
Il n’y a donc jamais eu de vide juridique en Belgique en ce qui concerne les essais en champs de plantes transgéniques. Mais il faudra attendre 1998 pour qu’un cadre juridique belge spécifique pour ce type d’applications soit adopté.
À partir de 1990, la directive 90/220/CEE sert de cadre de référence pour l’évaluation des risques des OGM disséminés dans l’environnement. Cette directive ayant été adoptée sur la base de l’article 100 A du Traité de Maastricht (voir section "Contexte historique"), la transposition en droit national doit se faire en respectant strictement les dispositions de la directive.
En 1991, la Loi du 20 juillet portant des dispositions sociales et diverses (Moniteur belge du 1.08.1991, p. 17002) va fixer le cadre de référence général préparant la transposition de la législation européenne relative à la dissémination volontaire d’OGM. Son article 132 précise que "pour assurer l’exécution des obligations résultant d’accords ou traités internationaux en ce qui concerne la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés, le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, règle la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés". Cette Loi sera complétée plus tard en substance par la Loi du 22 février 1998 (Loi du 22 février 1998 portant des dispositions sociales. Moniteur belge du 3.03.1998, p. 5683). L’article 222 de celle-ci permet le prélèvement de redevances au profit de Sciensano et l’article 226 confère des attributions spéciales aux fonctionnaires chargés de contrôler le respect des dispositions légales en matière de dissémination volontaire d’OGM.
Les discussions visant à rédiger l'arrêté d'exécution de la Loi du 20 juillet 1991 (c.-à-d. l'arrêté de transposition de la directive 90/220/CEE) vont débuter en octobre 1991. La finalisation de cet arrêté prendra toutefois sept longues années, entraînant une condamnation de la Belgique par la Cour européenne de Justice pour non-transposition dans les délais . La difficulté ne résidera pas dans la transposition de la partie C de la directive ("la mise sur le marché des OGM"), car il s’agit clairement d’une compétence fédérale exclusive, mais bien dans la transposition de la partie B ("recherche et développement"). Pour cette partie, les compétences sont éclatées entre différents niveaux de pouvoir, l’agriculture et la santé publique au niveau fédéral, la protection de l’environnement au niveau des Régions. En conséquence, la finalisation de l'arrêté de transposition de la directive 90/220/CEE va s’avérer être indissociable de l’adoption de l’accord de coopération susmentionné. Cet accord va préciser les compétences respectives des diverses autorités fédérales et régionales et organiser l'intervention de ces autorités dans la coordination administrative et scientifique en matière de biosécurité, en particulier via la mise en place du Conseil consultatif de Biosécurité et du Service de Biosécurité et Biotechnologie (SBB).
Après la signature par toutes les parties de la version finale de l'accord de coopération en avril 1997, la transposition de la directive 90/220/CEE va rapidement être finalisée. Le 18 décembre 1998, l’Arrêté Royal réglementant la dissémination volontaire dans l'environnement ainsi que la mise sur le marché d'organismes génétiquement modifiés ou de produits en contenant est adopté. Cet arrêté royal transpose la directive 90/220/CEE ainsi que ses compléments et amendements ultérieurs concernant l’échange d’informations, les "Summary Notification Information Format", la possibilité d’appliquer des procédures simplifiées, et la modification de l’annexe listant les informations à fournir dans le cas d'une mise sur le marché. Il reprend également les dispositions de l’accord de coopération concernant la dissémination volontaire d'OGM dans l’environnement (article 3 de l’accord).
Conformément à l’arrêté et à l'accord de coopération, les autorités fédérales se chargent de délivrer les autorisations requises pour la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement. Toutefois, en cas de disséminations expérimentales, une procédure commune d'autorisation est établie entre l'État fédéral et les Régions. Dans ce cas, les autorisations des autorités fédérales sont subordonnées à l’accord du Ministre régional compétent sur le territoire duquel l’essai a lieu.
La transposition en droit belge de la directive 2001/18/CE
La directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil abrogeant la directive 90/220/CEE est entrée en application le 17 octobre 2002. Néanmoins, cette directive n’a été transposée en droit belge qu’en 2005 (entraînant notamment une condamnation de la Belgique par la Cour de justice européenne en septembre 2004 pour retard de transposition).
Cette transposition tardive s’explique en partie par la complexité d’implémenter les dispositions de la directive dans le contexte institutionnel belge, difficulté déjà rencontrée lors de la transposition de la directive 90/220/CEE. Mais elle est essentiellement due à la difficulté d’obtenir un accord politique sur ce dossier très polémique.
En effet, les travaux de transposition commencent dès septembre 2001, dans le cadre du groupe ad hoc "Biosécurité" du CCPIE (Comité de coordination de la politique internationale de l’environnement) présidé par le Dr William Moens (chef du SBB à l'époque) et sur mandat de la Ministre de la Santé publique. Un projet d’arrêté royal de transposition est élaboré en octobre 2002, mais rejeté en Conseil des Ministres. Les partis politiques alors au pouvoir (libéraux, socialistes et écologistes) ne peuvent s’accorder sur certaines dispositions du projet d’arrêté, en particulier des mesures relatives à la spécification précise du lieu des essais en champs d’OGM et, surtout, le souhait des écologistes de disposer d’un avis socio-économique et éthique (délivré par un comité spécial d’experts du Conseil de biosécurité) sur chaque projet de dissémination volontaire ou de mise sur le marché, en complément de l’analyse scientifique des risques (la directive européenne permet cette possibilité mais ne la rend pas obligatoire).
Après le changement de coalition gouvernementale fédérale en mai 2003 (libéraux et socialistes, sans les écologistes), les discussions sur la transposition vont reprendre, bien que très lentement. Il faudra attendre le 21 février 2005 pour que l’arrêté de transposition de la directive 2001/18/CE soit adopté. Par rapport à l’arrêté précédent, le nouveau dispositif réglementaire simplifie les procédures administratives de notification. Il développe et renforce l’information et la participation du public et prévoit une évaluation ex post du suivi des effets des expérimentations en champs. Les propositions de dispositions en matière d’évaluation socio-économique et éthique sont abandonnées.