Implémentation en Belgique de la législation en matière d'utilisation confinée - Historique

Lorsque les discussions concernant la transposition de la directive 90/219/CEE ont été initiées au niveau belge, le choix de privilégier une implémentation au niveau régional va rapidement s’imposer aux négociateurs, confirmant ainsi l’option déjà entérinée au niveau européen de consacrer la portée essentiellement environnementale de cette directive. La transposition de cette directive en droit interne va avoir pour objectif non seulement d’assurer une mise en œuvre harmonisée entre les trois Régions mais aussi de corriger certaines faiblesses juridiques et scientifiques existant dans le texte européen. La base juridique sur laquelle la directive 90/219/CEE a été adoptée fournit la possibilité aux États membres qui le souhaitent d’adopter des mesures de protection renforcées.

Premièrement, contrairement à la directive 90/220/CEE qui s’applique à tous les organismes génétiquement modifiés, la directive 90/219/CEE s’applique exclusivement aux micro-organismes génétiquement modifiés (MGM), c.-à-d. les bactéries, champignons, parasites et virus. Les organismes tels que les plantes et les animaux ne sont donc pas couverts par cette directive. Les autorités régionales vont corriger cette limitation du champ d’application en garantissant aussi une évaluation des risques des plantes et animaux génétiquement modifiés utilisés en laboratoire, serres ou animaleries. De cette manière, des mesures de confinement adéquates peuvent être adoptées en cas de besoin pour protéger la santé humaine et l’environnement lors d'activités mettant en œuvre tous les types d'OGM.

Deuxièmement, le champ d’application de la directive, même étendu aux OGM, laissait de côté les organismes non génétiquement modifiés dotés de propriétés pathogènes pour les humains, les plantes ou les animaux. Les autorités vont décider d’inclure ces organismes dans le champ d’application des réglementations régionales, sur la base des arguments suivants :

  • les laboratoires qui utilisent des OGM manipulent aussi occasionnellement des souches pathogènes non génétiquement modifiées ;
  • la sécurité des utilisations confinées impliquant des OGM est évaluée en tenant compte des caractéristiques des organismes donneur et accepteur de gènes et notamment de leur pathogénicité pour l'homme, les plantes ou les animaux ;
  • les autorités veulent éviter les divergences entre les niveaux de confinement prévus dans la directive 90/219/CEE et ceux exigés par la directive 90/679/CEE (relative à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents biologiques au travail) qui s’applique aux pathogènes humains, y compris ceux qui sont génétiquement modifiés. Le même genre de raisonnement s'applique aux phyto- et zoo-pathogènes, afin d'éviter les divergences entre la réglementation "utilisation confinée" et d'autres législations phyto- ou zoo-sanitaires prévoyant des critères et niveaux de confinement lors de l'utilisation de pathogènes de quarantaine .

Contrairement à l’extension du champ d’application aux OGM, l’extension à l’ensemble des micro-organismes pathogènes non génétiquement modifiés est une spécificité belge.

L'inclusion dans les réglementations régionales des organismes phytopathogènes va donner lieu, en 1995 et 1996, à d'âpres discussions entre les autorités régionales et fédérales, et le SBB. Certaines autorités se montreront en effet très réticentes à inclure de manière générique ce type d'organismes dans la législation "utilisation confinée", soit parce qu'elles considéraient que leur utilisation en faible quantité au laboratoire présentait peu ou pas de risques pour l'environnement, soit (pour les phytopathogènes de quarantaine) parce que leur utilisation était déjà soumise aux dispositions des arrêtés fédéraux relatifs à la lutte contre les organismes nuisibles aux végétaux et aux produits végétaux. Ces critiques seront prises en compte dans l'élaboration des listes de référence de micro-organismes phytopathogènes et des critères de confinement à appliquer lors de leur utilisation.​

 

Troisièmement, la directive prévoit une classification des MGM en deux groupes : le groupe I (pas de risque pour la santé humaine ou l’environnement) et le groupe II (tous les autres organismes à risque). Cette classification n'était pas cohérente avec le système élaboré par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et internationalement accepté de classification des risques biologiques en quatre classes de risque, partant de la classe de risque 1 (sans risque pour la santé humaine et animale) à la classe de risque 4 (comprenant les micro-organismes les plus pathogènes). Les autorités régionales vont choisir d’adopter la classification de l’OMS lors de la transposition de la directive 90/219/CEE.

En conséquence, dans une optique de gestion préventive des risques pour l’environnement et la santé humaine, les Régions vont se doter d’un cadre réglementaire en biosécurité très large et cohérent sur le plan scientifique, dans lequel tous les organismes vivants qui présentent un risque pour la santé humaine et l'environnement sont pris en compte.

Une conséquence scientifique de ce choix va être l’élaboration, par le Service de Biosécurité et Biotechnologie (SBB), de listes de référence de micro-organismes qui, sous leur forme naturelle, présentent un risque pour l’homme et les animaux immunocompétents ou pour les plantes saines. Plusieurs centaines de micro-organismes seront ainsi répertoriés et se verront attribuer une classe de risque établie en fonction des classifications internationales existantes, des listes de micro-organismes ou organismes pathogènes reconnues par d'autres pays, et d’une analyse approfondie de la littérature scientifique. Ces listes vont être intégrées en annexe des législations régionales et vont constituer une source de référence reconnue au niveau international. Ces listes ont été l’objet de plusieurs mises à jour par le SBB, afin de prendre en compte les nouvelles données scientifiques concernant la nomenclature, la taxonomie et les classes de risque.

La transposition de la directive 90/219/CEE et de certains amendements publiés entre temps par la Commission européenne aboutira finalement à la publication de trois arrêtés distincts :

Les trois arrêtés de transposition seront chacun intégrés dans le cadre général des législations régionales d'environnement s'appliquant aux Installations Classées.

 

La transposition harmonisée de la directive 90/219/CEE en Belgique va donc être finalisée avant l’adoption de l’accord de coopération. Elle s’inspire toutefois largement des objectifs et principes généraux de cet accord.

La révision des arrêtés régionaux

En 1998, la directive 90/219/CEE a été modifiée par la directive 98/81/CE. En 2000, la transposition de cette nouvelle directive a été confiée au groupe ad hoc "Biosécurité" mis sur pied par le CCPIE (Comité de coordination de la politique internationale de l’environnement, une interface entre l’Etat fédéral belge et les Régions et les organisations internationales pour ce qui concerne la politique environnementale. Sa tâche principale est d’organiser la concertation entre les niveaux fédéraux et régionaux en vue de l’exécution coordonnée au niveau national des recommandations et des décisions prises au niveau international).

Ce groupe ad hoc se composait de représentants des Régions et de leurs juristes. Le SBB a été désigné pour assurer le secrétariat du groupe et fournir une expertise concernant les aspects techniques et réglementaires en matière d’OGM . Le groupe ad hoc a été principalement chargé de définir les points d’harmonisation dans le cadre de la transposition de la directive 98/81/CE.

Les travaux du groupe ad hoc ayant trait à la transposition ont été effectué sur la base d’un avant-projet d’arrêté de la Région flamande. Cet avant-projet fût élaboré en 1997 par l’administration du LNE (« Leefmilieu-, Natuur en Energie », anciennement connu sous le nom d’AMINAL, « Administratie Milieu-, Natuur-, Land- Waterbeheer »), dans le cadre du groupe de travail "Sous-commission substances dangereuses" en concertation avec les milieux académiques et industriels et le SBB.

L’objectif visé par les différentes parties n'a pas uniquement consisté dans la révision des arrêtés régionaux en matière d’utilisation confinée d’OGM et de pathogènes sur la base de la nouvelle directive. D’autres aspects ont également été pris en considération, dont :

  • Une adaptation de la réglementation de manière à ce qu’elle concorde mieux avec la réalité du terrain et l’expérience acquise, et de manière telle que la santé publique et l’environnement restent protégés de manière optimale ;
  • Les propositions émanant des milieux académiques et industriels, des autorités compétentes et du public ;
  • La nécessité d’intégrer la jurisprudence ;
  • La publication par le CEN (Comité européen de normalisation) de normes dans le domaine de la biotechnologie, qui constituaient un complément technique particulièrement utile pour l’implémentation des réglementations ;
  • La nécessité de placer encore davantage l’accent sur le contrôle et par conséquent sur le rôle des services d’inspections régionaux (conformément à l’article 17 de la directive) alors que la réglementation initiale était principalement axée sur la politique d’autorisation et de régularisation des installations  ;
  • Les besoins croissants (en ce compris les obligations légales) en matière d’information et de participation du public ;
  • Le principe de précaution, particulièrement dans le contexte de la communication de la Commission européenne sue ce sujet (Communication de la Commission sur le recours au principe de précaution. COM (2000) , 2 février 2000).

Lors de la transposition de la directive 98/81/CE, il a été décidé de conserver l’extension du champ d’application aux OGM et aux pathogènes. La législation en matière d’environnement applicable aux installations classées, a été maintenue à titre de cadre général pour cette implémentation. En outre, l’on a également tenu compte de la réglementation propre à chaque Région.

Pour ce qui est des avant-projets d’arrêtés pour les trois Régions, une vingtaine de points d’harmonisation ont été rassemblés dans les conclusions du groupe de travail. Ces points concernaient essentiellement les procédures, mais des décisions relatives aux matières suivantes ont également été prises :

  • La clarification des responsabilités et de l’organisation de la biosécurité au sein des installations (notion d’ "utilisateur" tel que définie par la directive, désignation d’un responsable ou coordinateur de la biosécurité et le cas échéant d’un comité de biosécurité) ;
  • La gestion de déchets résultant d’activités de classe de risque 1 pour lesquels la directive 98/81/CE ne prévoit pas d’inactivation obligatoire (il fût décidé de rendre l’inactivation de ce type de déchets obligatoire, suivant une méthode validée) ;
  • Le contrôle au moyen de prélèvements d’échantillons biologiques relatifs à la traçabilité des OGM et des pathogènes.

Les dix mois de travail du groupe ad hoc "biosécurité" du CCPIE ont offert la possibilité de parvenir à l’harmonisation visée dans l’accord de coopération en matière de biosécurité, permettant ainsi aux trois Régions de disposer d’une base à l’aide de laquelle elles ont pu achever les textes de transposition.

La directive 98/81/CE a été transposée le 8 novembre 2001 en Région de Bruxelles-capitale, le 6 février 2004 en Région flamande et le 4 juillet 2002 en Région wallonne. Ces législations sont toujours en vigeur.

Entre-temps les directives 90/219/CEE et 98/81/CE ont été remplacées par la directive 2009/41/CE qui est une forme consolidée de la directive 90/219/CEE et des amendements consécutifs 94/51/CE, 98/81/CE et de la décision 2001/204/CE.