Étapes historiques dans le développement de l'accord de coopération sur la biosécurité

​Si l’Europe se dote d’un cadre réglementaire spécifique aux OGM en 1990, il faudra attendre plusieurs années avant que les directives européennes 90/219/CEE et 90/220/CEE soient transposées en droit belge. Au début des années 1990, la Belgique est en pleine évolution institutionnelle. Cette époque est marquée par le transfert de plusieurs compétences de l’État vers les Régions, notamment dans le domaine de la protection de l’environnement. Avec la transposition en droit interne des deux directives susmentionnées, on se trouve au carrefour de multiples compétences pouvant être considérées tantôt comme fédérales, tantôt comme régionales.

Les directives traitent aussi de matières importantes pour le secteur de la recherche scientifique ou qui ont des retombées économiques potentielles liées au développement et à la commercialisation de produits agricoles, alimentaires ou pharmaceutiques à base d'OGM. Il est donc important d’éviter que des disparités entre règles fédérales et régionales relatives en particulier à la dissémination volontaire des OGM puissent créer des conditions inégales de compétition ou des barrières au développement et à la commercialisation de produits contenant de tels organismes.

Dès 1987, la Belgique (en l’occurrence la Conférence interministérielle de la politique scientifique) a donné suite à la publication du "Livre bleu" de l’OCDE en fondant un groupe ad hoc "Règlementation biotechnologie". Ce groupe suggère en 1989 la création d'un "Comité interdépartemental d'avis ADN recombinant" (ou "Comité rDNA") chargé de l'évaluation de la biosécurité, en particulier des notifications introduites en application de la future directive 90/220/CEE.

Le début des années 1990 est marqué par diverses initiatives non coordonnées en relation avec la transposition des directives "OGM". D'une part, la Région flamande décide de transposer in extenso les deux directives dans sa législation environnementale (le VLAREM - "Vlaams Reglement betreffende de Milieuvergunning") pour les matières relevant de sa compétence. D'autre part, le Comité de concertation "gouvernement national - exécutifs régionaux" donne, en octobre 1991, le mandat aux Régions et à l'État fédéral de négocier la transposition de la directive 90/220/CEE et la création d'un "Comité rDNA". Il est déjà proposé alors que ce comité soit soutenu par un "Secrétariat rDNA" assuré par un service de Sciensano (dénommé alors et jusqu’en 1996 "Institut d’Hygiène et d’Épidémiologie - IHE"). En parallèle, des discussions ont également lieu entre les trois Régions avec pour objectif la transposition harmonisée de la directive 90/219/CEE et la création, en soutien scientifique des Régions, d'une "Cellule rDNA" au sein de Sciensano.

Sciensano, en particulier le Dr William Moens, est directement impliqué dans toutes ces discussions. En juin 1992, l'Institut organise un symposium réunissant les autorités nationales et régionales, les secteurs industriels et académiques et d'autres acteurs concernés. Ce symposium est l'occasion de faire le point sur l'évolution de la transposition en Belgique des directives 90/219/CEE et 90/220/CEE et de souligner l'importance de la coopération entre les autorités concernées dans ce contexte.

Progressivement, il apparaît souhaitable aux autorités de régler une fois pour toutes sur le plan institutionnel l'intervention de l'État fédéral et des Régions dans les matières relevant des directives susmentionnées. Elles disposent à cette fin d’un nouvel outil juridique introduit par la Loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 (Loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, Moniteur belge, 15.08.1980, p. 9434). L’article 92 bis de cette Loi donne en effet la possibilité à l’État, aux Communautés et aux Régions de conclure des accords de coopération portant notamment sur la création et la gestion conjointes de services et institutions communs, sur l’exercice conjoint de compétences propres, ou sur le développement d’initiatives en commun.

En 1993, les négociateurs s’accordent sur la nécessité d'établir un seul accord de coopération englobant toutes les matières relevant de la biosécurité, c.-à-d. la sécurité pour la santé humaine et pour l'environnement liée à la dissémination volontaire des OGM dans l'environnement mais aussi à l'utilisation confinée d'organismes génétiquement modifiés et d'organismes pathogènes pour l'homme. Ils décident ainsi, à travers l'adoption de cet accord de coopération, de couvrir la transposition et la mise en œuvre harmonisées entre les différents niveaux de compétences des deux directives 90/219/CEE et 90/220/CEE, tenant compte aussi des dispositions de la directive 90/679/CEE. Ils choisissent aussi de mettre en place un système d'évaluation scientifique de la biosécurité commun à l'État fédéral et aux Régions, de manière à garantir un traitement objectif et harmonieux des dossiers de biosécurité vis-à-vis des notifiants, du public, de la Commission Européenne et des autres États membres.

Après une nouvelle période de négociations, un projet d’accord de coopération en matière de biosécurité est approuvé par les différentes autorités concernées le 16 mai 1995. Le texte de l’accord est modifié suite aux avis du Conseil d’État, notamment pour clarifier les missions respectives des instances constituant le système d'évaluation scientifique commun de la biosécurité.

Le 25 avril 1997, le texte final de l’accord de coopération entre l'État fédéral et les Régions relatif à la coordination administrative et scientifique en matière de biosécurité est adopté par toutes les parties.

L’accord de coopération en matière de biosécurité est le texte juridique central qui règle l’implémentation et la gestion de la biosécurité en Belgique. Bien qu’il n’ait été formellement adopté qu’en 1997, ses objectifs et ses principes généraux ont été définis dès les premières heures de négociation. C’est sur cette base que les autorités régionales et fédérales ont mené à bien, en parallèle des négociations sur l’accord de coopération, les discussions visant à l’implémentation en droit belge des directives 90/219/CEE et 90/220/CEE.